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Noël
"...et la paix sur Terre aux hommes de bonne volonté"

par Marius Lepage. in memoriam.









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Nos frères d'antan, au jour de leur initiation, prêtaient sur l'Evangile selon Saint-jean leur serment maçonnique. Quand, dans le monde moderne, toute spiritualité s'efface devant l'assaut des intérêts égoïstes et des puissances de la terre, il sied au maçon qui comprend bien son Art, de se pencher sur les trésors du passé, et de faire revivre en son coeur leur lumière, tout à la fois éblouissante et cachée.

Il est toujours recommandé, surtout en matière d'études initiatiques, de rechercher l'origine des mots que nous employons. La racine des langues nous met en communication plus étroite avec la source même de laquelle ont jailli les divers courants dans lesquels plongent les chercheurs de vérité. Nous délaissons fréquemment la sience de l'étymologie, grâce à quoi le sens profond des termes que nous employons nous est révélé dans sa pureté primitive. Faisons ici appel au sens premier, duquel tous les autres sont dérivés, et qui, trop souvent, est enfoui sous l'amas des faux-sens et des contre-sens que les siècles ont accumulés au-dessus de lui.

L'étymologie ordinairement acceptée du mot "Noël" est celle du latin "natalis" (dies) proprement "jour de naissance" (de Jésus). Mais ces étymologies sont elles-mêmes, et les lexiques ne manquent pas d'ajouter : "l'O est obscur ; et peut être dû à l'influence du latin novus, nouveau".

Cette prudence est justifiée, car combien l'étymologie latine nous paraît lointaine, effacée, fausse, sans doute, lorsqu'on la compare d'abord à l'étymologie grecque : "Neos Helios" (nouveau soleil). Mais c'est surtout vers l'étymologie druidique qu'inclinent nos sentiments. Noël, selon cette étymologie, proviendrait de deux sources vocales également acceptables, et dont l'expression phonétique est presque concordante avec celle que nous avons conservée : soit "New-Hail" - nouvelle salutation, nouveau salut, soit "New-Heyl" - nouvelle santé.

Noël, c'est donc d'abord la fête du renouveau, de la nouvelle terre, des semailles qui germent, de la santé - individuelle et cosmique - qui reprend son élan.

"La fête de l'Automne était célébrée par le père et par la mère ; vers cette époque cette dernière mettait au monde l'enfant, signe d'allègresse ; la plus sacrée et la plus mystérieuse de toutes (les fêtes) était celle de Noël (New-Yule), temps des grandes semailles, consacré aux enfants nouveaux-nés - fruits conçus au printemps - et aux âmes des morts : les Ancêtres." [in Peter Davidson. Le gui et sa philosophie, p.66.]

Sur les vieux arbres desséchés, le Christianisme a greffé des branches plus vivaces qui perpétueront les traditions éternelles. "... Les indications que l'on pouvait tirer des survivances de la fête de Noël et de l'Epiphanie... m'aureient permis, sans aucun doute, de montrer plus nettement les liens qui rattachent les divers thèmes de la naissance miraculeuse du Christ aux anciens thèmes païens parrallèles, et j'eusse défini avec plus de précision les rites dont ils dépendaient. On pouvait souligner qu'il s'agissait de rites de renouveau et de fécondité et que, de ce chef, toute une partie de la légende de jésus semblait avoir été adaptée à d'anciens cultes agraires analogues à ceux qui sont à la base des grandes légendes parallèles." [in Saintyves. Deux mythes évangéliques.]

Ainsi, sur le plan cosmogonique, rappel inconscient des rites oubliés, Noël, c'est le soleil parvenu à l'extrême limite de sa course descendante, et qui va repartir pour un nouveau cycle. Mais, n'oublions pas la Loi des Correspondances. Ce qui existe sur le plan de la Nature doit aussi exister sur le plan humain, et, comme la Terre sur laquelle il se meut, l'Homme doit connaître son Noël.

Noël, sur le plan humain individuel, c'est l'homme qui a touché le fond de l'abîme des misères, des douleurs et des indicibles détresses, et qui va rebondir d'autant plus haut qu'il a sombré plus bas. C'est bien pourquoi nos vieux symbolistes enseignaient que Noël n'est pas une date, mais un moment, un événement de chaque seconde qui passe. A chaque parcelle du temps qui pour nous s'écoule, il est, de par les univers, une âme qui a épuisé l'ultime goutte de la coupe des amertumes, et dont les yeux se tournent vers l'étoile de la rédemption, notre étoile flamboyante. C'est Noël pour cette âme inquiète... Multiplicité des Noëls individuels, fondus dans le symbolisme d'un Noël unique, celui de la Terre-Mère qui reprend, dans le froid et la nuit du plein hiver, sa pénible route vers la lumière des renaissances printanières.

Nous en tiendrons-nous, à cette seule acception cosmogonique, déjà si riche d'évocations, de sous-entendus, de développements intellectuels ?

Un maçon ne doit pas manquer de rechercher la signification mystique des symboles que la vie propose à son attention toujours en éveil.

Il est un Noël mystique qu'ont célébré les plus hardis prophètes de tous les temps et de toutes les religions. Si Noël, c'est l'Homme qui prend conscience de son indignité et qui commence de regarder vers la Lumière, c'est aussi le mouvement inverse, le Créateur qui se penche vers sa créature pour lui permettre de sortir du marais des illusions et des attaches matérielles.

"Nous célébrons ici, dans cette vie temporelle, la naissance éternelle que Dieu le Père a réalisée et réalise encore sans interruption dans l'éternité (à savoir) que cette même naissance s'est produite aussi dans le temps, dans la nature humaine ... " Où est le roi des Juifs qui vient de naître..." (Matt. II, 2.) Remarquez d'abord, dans cette naissance, où elle se produit. Mais j'affirme, comme je l'ai déjà fait souvent, que cette naissance éternelle s'accomplit dans l'âme exactement de la même façon que dans l'éternité, et pas autrement ; car c'est une seule, et la même naissance. Et à la vérité elle s'accomplit dans l'essence et le fond de l'âme." [Maître Eckhart. Sermons. De la naissance éternelle.]

Le dominicain de Thuringe qui, à la fin du XIIème siècle, écrivait ces commentaires sur la nativité, ne faisait que paraphraser inconsciemment les termes qui, depuis peut-être des millénaires, berçaient dans la Baghavad Gîta les âmes orientales... "Pour la libération des bons, pour la destruction de ceux qui dfont le mal, pour mettre sur le trône la Justice, Je prends naissance d'âge en âge..." [in Baghavad Gîta. IV, 8.] Les termes de la Gîta montrent que la naissance divine est celle de la Divinité consciente en notre humanité...[idem. version commentée par Shri Aurobindo, p. 126.]

Cette naissance, ce Noël oriental, cette descente du divin dans la condition humaine, c'est à proprement parler ce que les védantiste appellent un "avatar". "L'avatar" est donc, en l'humanité, une manifestation directe par Krishna - l'âme divine - de cette divine condition à laquelle Arjuna - l'âme humaine, le type le plus haut de l'être humain... - est requis par l'Instructeur de s'élever, et à laquelle il ne peut s'élever qu'en se haussant hors de l'ignorance et des limitations de son humanité ordinaire. Il est la manifestation venue d'en haut de cela même que nous avons à devenir en partant d'en bas ; il est Dieu desecendu dans cette divine naissance de l'être humain en laquelle nous autres, créatures mortelles, nous devons monter ; il est l'attirant exemple divin donné par Dieu à l'homme dans le type même et la forme et le modèle achevé de notre existence humaine." [idem, page 126.] ...

...Enfin, je ne manquerai pas de signaler au passage que la nuit de la Nativité, éclairée par l'étoile des Mages, offrirait de nombreux points de contact spirituels avec la nuit de l'âme des mystiques, concrétisée par la nuit symbolique de la Chambre du Milieu lors des initiations au grade de Maître.[in F. Schuon. Etudes traditionnelles. 1940, pp. 186-187, notes 1 et 2].

Apprentis et Compagnons, parvenus au Noël de la pensée peuvent répondre aux questions initiatiques : d'Où venons-nous ? Qui sommes-nous ? C'est alors que le Maître se lève à l'appel de Jean l'Evangéliste de l'esprit. Après la seconde naissance, il connaît la solution de la troisième question : Où allons-nous ?

Aussi, mes frères en l'esprit de Saint-Jean, lorsque tinteront les cloches, les trois nocturnes des matines de Noël, lorsque le monde chrétien saluera l'enfant nouveau-né, pensez à tous les disciples de l'Art Royal qui se débattent et luttent pour préparer en eux l'avènement des Noëls johanistes... Elevez alors, du fond de votre coeur fraternel, l'invocation millénaire :

" A la gloire du Grand Architecte de l'Univers, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. "

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Cette rubrique souhaite également faire revivre la mémoire de frères ayant gagné l'orient éternel en publiant des extraits de leurs travaux. N'hésitez donc pas à nous communiquer ou à nous signaler des oeuvres d'intérêt général. Raviver dans la mémoire des générations le souvenir des Frères qui sont "passés" est un devoir capital pour tous les maçons.

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