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Christian  GUIGUE

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Etudier le monde









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Il ne doit pas suffire de sentir vaguement quelles joies peut dispenser pour nous le monde qui nous entoure ; il faut encore chercher chaque jour davantage quels sujets d'étude et de méditation il peut nous apporter afin que nous puissions, grâce à lui, parfaire notre évolution et nous diriger mieux dans la voie ascendante qui nous conduit à la lumière.

Si nous comprenions la leçon que nous offrent quotidiennement les éléments et les êtres, nous y puiserions une force, une sérénité, une vertu dont nous ne nous faisons pas une idée parce que nous nous accoutumons, dans l'étroitesse de notre esprit, à nous prendre pour le centre du monde et à nous étonner que l'on n'arrête pas la marche des étoiles parce que nous souffrons dans notre corps, dans notre esprit ou dans notre cœur. Ne fut-ce que cette mise au point de notre vanité et de nos ambitions, nous tirerions déjà de la connaissance du monde un avantage inappréciable ; mais il nous donne beaucoup plus. La prodigieuse beauté de l'harmonie préétablie, l'ordre merveilleux de la vie, aussi bien de la vie sidérale que de celles des moindres êtres, nous ravirait d'admiration au point de nous détourner de la contemplation stérile de nos ennuis particuliers, si nous nous donnions la peine de regarder autour de nous. Par malheur, au lieu de considérer toutes choses d'un point de vue scientifique et impartial, nous apportons trop souvent, dans notre étude, des conceptions qui nous paraissent, par le seul fait qu'elles nous sont coutumières, les plus sages qui soient au monde.

Pour certains, il n'y a pas de sagesse supérieure puisque les animaux carnivores se dévorent les uns les autres, ce que les hommes font dans la société d’une manière bien plus redoutable encore puisqu’on ne voit pas l’attaque venir. Ceux-là oublient volontiers la viande prise au repas mais, passons ce détail ; il se peut qu'à ses yeux le mouton soit trop honoré de servir de pâture à l'homme. Le mouton est probablement d'un autre avis. Avant d'étudier les motifs d'un ordre de choses que nous ne pouvons modifier, demandons au monde extérieur les enseignements dont il est prodigue et qui sont de nature à embellir notre vie, à magnifier notre intelligence. Ce qui nous prive d'un trésor sans cesse ouvert à notre investigation, c'est que nous ne regardons jamais rien, ni personne en soi-même, mais en fonction de nos sentiments et de nos idées. De là naissent toutes nos erreurs. Ce n'est pas sans motif qu'on nous a commandé d'être pareils à de petits enfants. Admirez l'enfant à la découverte du monde. En des objets que nous estimons sans intérêt, il trouve des trésors de joie. Peut-être, parce que ses yeux sont purs et que son cœur est innocent, y voit-il mille choses que nous ne voyons plus à travers les lunettes que nous nous sommes faites à la couleur de nos pensées. Si nous écoutions l’enfant qui prend contact avec la vie, il nous enseignerait bien des choses. Mais nous sommes si pénétrés de notre importance ou de notre savoir que nous croirions perdre notre temps en faisant cette expérience. Il est un élément du monde qui nous comblerait de joie, mais dont nous ne tenons point compte parce que le bénéfice qu'il nous apporte est sans caractère pratique, c'est sa merveilleuse beauté. Et, cependant, cette beauté, qui provient du rythme intérieur, est pour nous un enseignement constant, puisqu'elle nous enseigne non seulement à accomplir notre oeuvre et devoir ici-bas, mais à l'accomplir dans la joie, dans la lumière, dans un enchantement perpétuel. Il ne suffit pas à la fleur d'avoir pour se reproduire les organes qui lui sont nécessaires à cet effet ; il faut que les couleurs, les parfums, le tact suave des pétales, toute la magnificence du monde se coalise pour créer ce doux nid d'amour qu'est le calice d'une fleur. Et, non seulement de la fleur rare, de celle qui plaît plus parce qu'elle vient de loin et coûte cher, mais prenez l'humble fleur du pois et regardez avec quel soin tous les pétales s'incurvent pour former le berceau de la graine future, quels coloris merveilleusement délicats, quel vague et doux parfum enchantent cette fleur des champs qui, demain, sera coupée et foulée aux pieds. Voulez-vous écarter la fleur pour n'avoir point l'air de céder à ce besoin de poésie qui est cependant au coeur de tout être ?

Regardez l'animal, non point seulement celui que la complexité de ses organes rapproche de vous, mais l'insecte, ce prodige ! Ne choisissez pas le papillon, ce symbole de l'âme humaine, si vous craignez encore de paraître vous attacher trop à la forme ; prenez n'importe lequel, le plus infime. Il vous enseignera la vie. Pendant de longs mois, plus d'un an peut-être, il a vécu obscurément sous la forme rampante des larves ; il a été un ver, une chenille, il n'a vécu que pour manger, pour durer, en espérant une métamorphose dont l'espoir le remplit peut-être d'une torturante allégresse. Il a souffert pour s'arracher à la léthargie qui précède les transformations, pour s'arracher à sa chrysalide sombre, petite, desséchée. D'un coup, il a ouvert ses ailes, il a fleuri dans la lumière. Ce n'est qu'un petit scarabée à la cuirasse d'or bruni, moins encore, le hanneton en modeste habit carmélite ; c'est tout de même une bête ailée, qui est tellement créée pour l'amour, pour une vie supérieure que beaucoup d'insectes parfaits n'ont même pas de système digestif. Ils n'ont que des ailes et les organes de la vie; ils ne peuvent et ne veulent que donner la vie, leur vie, se griser d'air et de soleil et tomber, leur besogne faite, ainsi que s'effeuillent les fleurs après que le fruit est noué.

Dans La Possession du monde, Georges Duhamel exprime hautement ce que peut nous donner de joies et d'enseignements la contemplation du monde extérieur. Ne nous enrichirait-il que de sensations inattendues, de connaissances nouvelles, ce ne serait point du temps perdu. " Vous payez volontiers, dit-il, dix francs pour voir un acrobate ou un chien savant. Vous n'avez peut-être jamais regardé une araignée en train de faire sa toile. Quand vous aurez bien vu l'extraordinaire animal tourner autour du centre de l'ouvrage et accrocher, si vite et si juste, avec sa patte de derrière, le fil qu'il dévide à mesure, vous voudrez montrer la merveille à tous ceux que vous aimez, tant cela vous aura plu.

" Une chose étrange est le mépris où les hommes tiennent les joies qui leur sont offertes gratuitement. Ce n'est d'ailleurs qu’une petitesse de notre nature ; il n'est point sans beauté de priser un objet précisément parce qu'il nous a coûté quelque peine, quelque sacrifice. A ce compte, ne croyez pas que les merveilles naturelles soient pour rien : elles coûtent de la patience, du temps et de l'attention.

" Une curiosité maladive et le goût de l'anomalie nous inclinent à prendre du plaisir lorsqu’un être accomplit une action à laquelle, son organisme semble impropre. La lassitude vient tôt : depuis longtemps déjà le vol des avions, par exemple, a cessé d'exciter notre intérêt ; nous connaissons tout de cette mécanique sans mystère ; son bruit même et sa présence dans le ciel dénaturent le silence et l'espace dont la virginité nous était un refuge. Je vous affirme, d'autre part, que je n'ai jamais laissé d'être intrigué par les mystérieuses agitations d'un peuple d'éphémères ; l'emmêlement des courbes, le mouvement global qui, d'instant en instant, transporte tout le groupe d'insectes et semble le fait d'un mot d'ordre secret, autant de mystères ténus et profonds qui demeurent, pour l'imagination, pleins d'attraits et, en quelque sorte, de ressources. "

Duhamel tire la morale de cette incuriosité bizarre qui possède la plupart des hommes à l'égard des plus prodigieuses beautés naturelles. Les hommes se contentent de lire — et encore c'est une élite — les ouvrages de Darwin ou de Fabre, comme des gens qui se croient sportifs, suivent, commodément assis dans leur fauteuil, le récit que font les journaux techniques de tel raid ou de telle épreuve. On ne s'instruit pas à si bon compte.

Pourquoi ne mangeons-nous que leurs récoltes et ne préparons-nous pas les nôtres ? Pourquoi achetons-nous et lisons-nous leurs livres sans en tirer le vrai profit, sans jamais prendre la peine de regarder aussi à nos pieds, sans jamais aller vivre avec les bêtes du sable et de l'herbe, une vie fiévreuse et minuscule, une vie formidable où tout nous serait nouveauté, découverte, suggestion ? Pourquoi ? La réponse est unanime : Je n'ai pas le temps. Et quand vous regardez à quoi est occupé ce temps si cher, vous découvrez que c'est à des œuvres sans beauté, sans profit même, mais que l'on accomplit pour faire comme tout le monde.

Cherchant, tu n'es pas, je le sais, de ceux qui se contentent d'une pareille échappatoire. Tu es sorti résolument de la vie quotidienne, tu ne " fais donc pas comme tout le monde " . Regarde autour de toi, et la beauté du monde t'appartiendra comme un trésor que tu aurais trouvé et dont personne ne te contesterait la possession. Tu ne te contenteras pas de la contempler, encore que cette contemplation soit une source inépuisable des joies les plus savoureuses, mais tu y puiseras des images, des comparaisons, tu découvriras des rythmes qu'il te sera facile ensuite de transposer dans la vie spirituelle que tu as choisie. Quand tu auras vu quelle splendeur la Nature donne à la moindre des fleurs sans nom que nous cache l'herbe, tu penseras qu'il ne suffit pas de ce qui est strictement nécessaire aux exigences de la vie matérielle, mais que tout être a besoin de superflu et de beauté. Tu comprendras alors que ce qui perd notre monde actuel, c'est justement de ne pas se conformer à cette loi de la nature, et de ne chercher en toutes choses qu'un bénéfice dit pratique, sans rien qui se rapporte à l'âme, qui l'embellisse et qui l'accroisse. Tu verras que cette folie de vitesse qui ruine tant de cerveaux et tant de corps a plus l'air d'une fuite que d'un réel plaisir. Tu sentiras qu'un bien plus véritable se retire de tous ces éperdus qui ne sont pas capables de jeter un regard fraternel sur le spectacle de la vie dont ils auraient tant à apprendre. Tu les plaindras et tu agiras en conséquence, plus occupé de ton évolution que de leurs joies.

Cherchant, cherche dans la forêt paisible un coin où tu puisses étudier à loisir cette vie immortelle, multiforme, immuable et changeante qui est le chemin de ton ascension. Délasse-toi des bruits hostiles dans le calme des belles nuits. Lave la fatigue de ta pensée en écoutant la mer aux rires innombrables. Ecoute dans ton cœur, entends en tes pensées le chant mystérieux des étoiles. Quand tu auras appris à discerner ce qu’elles disent, tu connaîtras de grands secrets qui viendront corroborer lés enseignements de ton Initiation.

Regarde, Cherchant, les tableaux qui se déroulent sous tes yeux, avec le rythme des saisons. Tu sais que toute vie est telle, que tout naît, croît, décline et meurt, mais tu sais aussi que, pour les êtres doués d'âme, cette mort apparente n'est qu'une renaissance. Comme les mystes d'Eleusis, tu connais le sens du grain de blé que la terre saisit et dévore, mais qui renaîtra quand vient Avril et donnera au centuple le fruit de son apparente mort. Couche-toi sur l'herbe, écoute la vie qui émane de la terre et monte vers l'étoile. Une même palpitation unit toutes les créatures. Tu le sais, et pourtant tu le comprendras mieux quand tu auras mieux étudié ce monde qui, pour le sage, est symbole et mystère.

Etudie le monde, ô mon frère, afin que tes heures de calme soient en même temps des leçons sublimes qui empliront toujours ton cœur et ta pensée du sentiment de la beauté, de ta gratitude envers les Forces amies, et, sur le rythme des étoiles, tu éprouveras la Paix, la Douceur, la Sérénité.

Anne

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